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Biboune's Life
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15 avril 2010

Un verre, ça va...

Sans_titre

Je parle rarement de mon boulot, parce que c’est pas très intéressant en fait. Les urgences, c’est marrant sauf pour le patient bien sûr, mais l’ergonomie des postes c’est un tantinet chiant à raconter. Évidemment, il n’y a pas que ça, je fais beaucoup de soutient psy aux futures mamans (ou papa)- en ce moment on a une déclaration de grossesse par mois J-, aux salariés en instance de divorce, ceux qui veulent arrêter de fumer...

Voilà un cas qui me fait tout de même réfléchir, parce que je n’y vois pas d’issue.

C’est un monsieur qui a à peine cinquante ans même si je lui en aurai donné plus, à peine 20 ans de boite (ça commence à faire quand même !).

Dès mon arrivée, on m’a mise au jus : Pierrot (c’est pas son vrai nom), il picole, mais bosse bien, alors bon, on le laisse faire… En interrogeant mes collègues, je finis par savoir qu’il picole sévère depuis que son frère est mort dans un accident voila 15 ans. Sa fille de 17 ans n’a jamais dû voir son père autrement que bourré L 

Moi, j’étais moyennement rassurée de savoir une urgence potentielle avec ce bonhomme, le médecin du travail n’étant pas particulièrement affolé par son cas… D’ailleurs que faut-il pour affoler un médecin du travail ?!?

J’avais bien tenté de discuter avec lui de son problème d’alcoolisme, un jour en face à face avec lui à l’infirmerie, et il m’avait répondu du tac au tac « ah ben non, j’ai arrêté la picole y a un bon moment, j’ai juste pris une p’tite bière hier soir ! ». Ben oui tiens, tu pues tellement l’alcool que la moindre étincelle ferait exploser l’infirmerie ! Bref, total déni !

J’ai plus trop entendu parler de lui et puis un beau jour, mon portable sonne « vite Estelle, y a Pierrot qui a fait un malaise, rejoins-nousrejoins-nous à l’infirmerie ». Dans ces cas, là, je m’affole pas trop (ça ne fait pas tellement avancer les choses en fait), je me rends à l’infirmerie, fais dégager tout le monde et ne garde que les deux premières personnes qui l’ont prises en charge (ce sont elles qui ont vu exactement ce qu’il s’était passé ). On me dit que pour une fois, Pierrot était clair. Pierrot convulse, j’appelle le SAMU.

Pour une fois, ils répondent relativement rapidement et m’envoient même une équipe. Pour une fois j’ai de la chance !

L’équipe des secours arrivent alors que Pierrot est réveillé mais a quelques problèmes spatio-temporels. Par contre, il est sûr d’une chose, il n’ira pas à l’hosto ! J’explique brièvement le cas de Pierrot à l’équipe du SAMU. Une TA un peu haute mais rien de plus.

Les gendarmes sont là, le DRH s’occupe d’eux. Malgré pas mal d’explications, Pierrot refuse d’aller à l’hôpital, ma foi, on ne peut  pas l’obliger. L’équipe du SAMU repart sans lui et Pierrot rentrera chez lui en taxi.

Le lendemain, je l’envoie "en urgence" voir le médecin du travail qui contacte son médecin. Pierrot est toujours dans le déni complet de sa maladie.

Après 2 mois de maladie, Pierrot revient. La veille de sa visite de reprise (on a 8 jours pour faire passer une visite de reprise en cas de maladie >21 jours), le chef de Pierrot m’appelle : « Estelle, Pierrot ne se sent pas bien, je refuse qu’il travaille sur sa machine ». OK, il est midi, je suis en train de manger, je finis et j’arrive ! Je reçois Pierrot qui a une haleine à forte teneur en alcool y a même des fois où je me demande si en respirant à côté de lui je ne vais pas finir raide ! même s’il me jure qu’il n’a pas pris une goutte de vin…

Le médecin du travail l’a reçu après moi et l’a renvoyé chez son médecin traitant. Cela va se finir en arrêt maladie, mais après… ?

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Commentaires
B
Et ben de retour au travail, rien n'a changé... <br /> Il m'en veut de l'avoir "dénoncé" au médecin du travail et là, tout ce qu'il va gagner d'ici peu, c'est un licenciement (avec une ré-embauche une fois guéri mais ça je n'y crois pas du tout).<br /> <br /> Mon avis désormais... je ne m'investis plus avec lui comme auparavant, d'autres ont besoin de moi! Un déni pareil...! Je n'en reviens toujorus pas et l'envie de lui flanquer une bonne paire de claque pour le réveiller me démange bien souvent!
G
Bonjour! Post au combien triste mais au combien intéressant vu les questions qu'il soulève : l'alcool sur le lieu de travail, le déni du patient (et des collègues!! depuis 15 ans, c'est énorme 15 ans, "on le laisse faire"!!!!), les difficultés de prise en charge....<br /> J'avais eu un cours sur l'alcool au travail, avec un médecin du travail bien (sisi il y en a ;-), qui disait que ce genre de problème d'addiction devait être pris en charge tout de suite et qu'il ne fallait surtout pas le laisser s'enkyster. Que va faire l'entreprise si un jour il y a un accident parce que Pierrot est bourré?<br /> Et Pierrot, même sans accident, il se dirige vers quoi? <br /> Compliqué tout ça...
E
Bah, c'est vrai qu'au début c'était pas facile, mais maintenant, je commence à pouvoir parler au gens sans trop tourner autour du pot... <br /> Encore que ce cas est assez "simple" à gérer (au niveau émotionnel en tout cas). <br /> Le pire pour moi a été le suivi d'une jeune femme tout au long de sa 2ème grossesse qui a appris en cours de grossesse qu'elle avait un cancer du sein. Je l'ai appellée toute les semaines pendant 1 an 1/2. Elle est décédée quelques semaines avant la naissance d'Eole. Là, c'était vraiment dur!
C
Triste ça... et pas de réponse. Juste de l'admiration pour toi car moi, dès que je vois qq'un qui se sent un peu mal, je détale le plus loin possible tellement ça me fiche la trouille...!
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